Hiver

Songes-tu parfois, bien aimée,

Assise près du foyer clair,

Lorsque sous la porte fermée

Gémit la bise de l'hiver.

Qu'après cette automne clémente

Les oiseaux, cher peuple étourdi,

Trop tard, par un jour de tourmente,

Ont pris leur vol vers le Midi.

Que leurs ailes blanches de givre,

sont lasses d'avoir voyagé;

Que sur le long chemin à suivre

Il a neigé, neigé, neigé.

Et que perdus dans la rafale,

Ils sont là, transis et sans voix,

Eux dont la chanson triomphale

Charmait nos courses dans les bois?

Hélas comme il faut qu'il en meure

De ces émigrés grelottants!

Y songes-tu? Moi, je les pleure.

Nos chanteurs du dernier printemps.

Tu parles, ce soir où tu m'aimes,

Des oiseaux du prochain avril;

Mais ce ne seront plus les mêmes

Et ton amour attendra t-il?

François Coppée

1893

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