Le sonnet

Pièce de poésie de 14 vers:

2 quatrains

2 tercets

Il est soumis à des règles strictes pour la disposition des rimes.

 

Organisation des rimes

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Marotique

français

Irrégulier et très varié

Hors classement

Shakespearien

classique

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PARFUM EXOTIQUE

 

Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,

Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,

Je vois se dérouler des rivages heureux

Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone;

 

Une île paresseuse où la nature donne

Des arbres singuliers et des fruits savoureux;

Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,

Et des femmes dont l'oeil par sa franchise étonne.

 

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,

Je vois un port rempli de voiles et de mâts

Encor tout fatigués par la vague marine,

 

Pendant que le parfum des verts tamariniers,

Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,

Se mêle dans mon âme au chant des mariniers

Charles Baudelaire

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LA VIE ANTERIEURE

 

J'ai longtemps habité sous de vastes portiques

Que les soleils marins teignaient de mille feux,

Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,

Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.

 

Les houles, en roulant les images des cieux,

Mêlaient d'une façon solennelle et mystique

Les tout-puissants accords de leur riche musique

Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.

 

C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,

Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs

Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,

 

Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,

Et dont l'unique soin était d'approfondir

Le secret douloureux qui me faisait languir

Charles Baudelaire

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Sonnets pour Hélène

 

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,

Assise auprès du feu, dévidant et filant,

Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant:

"Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle !"

 

Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,

Déjà sous le labeur à demi sommeillant,

Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant,

Bénissant votre nom de louange immortelle.

 

Je serai sous la terre et, fantôme sans os,

Par les ombres myrteux je prendrai mon repos:

Vous serez au foyer une vieille accroupie,

 

Regrettant mon amour et votre fier dédain.

Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain:

Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.

Pierre de Ronsard

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Le Dormeur du val

 

C'est un trou de verdure où chante une rivière

Accrochant follement aux herbes des haillons

D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,

Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

 

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,

Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,

Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,

Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

 

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme

Sourirait un enfant malade, il fait un somme:

Nature berce-le chaudement : il a froid.

 

Les parfums ne font pas frissonner sa narine;

Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine

Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit

Arthur Rimbaud

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Per te praesentit aruspex

 

O mon très cher amour, toi mon oeuvre et que j'aime,

A jamais j'allumai le feu de ton regard,

Je t'aime comme j'aime une belle oeuvre d'art,

Une noble statue, un magique poème.

 

Tu seras, mon aimée, un témoin de moi-même.

Je te crée à jamais pour qu'après mon départ,

Tu transmettes mon nom aux hommes en retard

Toi, la vie et l'amour, ma gloire et mon emblême;

 

Et je suis soucieux de ta grande beau

Bien plus que tu ne peux toi-même en être fière:

C'est moi qui l'ai conçue et faite toute entière.

 

Ainsi, belle oeuvre d'art, nos amours ont é

Et seront l'ornement du ciel et de la terre,

O toi, ma créature et ma divini!

Apollinaire

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La Dormeuse

 

Quels secrets dans son coeur brûle ma jeune amie,

Ame par le doux masque aspirant une fleur ?

De quels vains aliments sa naïve chaleur

Fait ce rayonnement d'une femme endormie ?

 

Souffle, songes, silence, invincible accalmie,

Tu triomphes, ô paix plus puissante qu'un pleur,

Quand de ce plein sommeil l'onde grave et l'ampleur

Conspirent sur le sein d'une telle ennemie.

 

Dormeuse, amas doré d'ombres et d'abandons,

Ton repos redoutable est chargé de tels dons,

Ô biche avec langueur longue auprès d'une grappe,

 

Que malgré l'âme absente, occupée aux enfers,

Ta forme au ventre pur qu'un bras fluide drape,

Veille ; ta forme veille, et mes yeux sont ouverts.

Paul Valéry

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